Jon Hopkins
Immunity
(Domino)
Ce qui est étonnant avec les journalistes musicaux de tous bords, c’est qu’il y a ce besoin absolu de cataloguer un album ou de le voir prendre une direction en sens unique. Dès que quelque chose déborde, ça ne va plus. Avec Jon Hopkins, musicien anglais ayant collaboré aux cotés de Brian Eno ou de King Creosote et ayant remixé certains artistes comme Four Tet, Nosaj Thing, Agoria, David Lynch… le problème une nouvelle fois se pose, soulevant l’éternelle question de la prise de risque et du renversement de codes, acte créatif qui lorsqu’il est profondément muri, ce qui semble le cas avec Immunity, peut avoir la fâcheuse tendance à déstabiliser l’ordre établi par certains, on ne sait pas quand, pourquoi, ni comment, comme si les règles n’étaient pas faites pour être transgressées !!!! Je m’explique. Avec Immunity, le nouvel opus de Jon Hopkins, on part sur les chapeaux de roue, les basses rugueuses se frottant à des rythmiques technoïdes renversantes, les aspérités recouvrant des loops hypnotiques saisissants, altérant nos sens avec une intelligence dépouillée jusqu’à l’os, nous gardant en haleine de bout en bout avec son impétueuse ambivalence, rugueuse et rêche, ronde et sensuelle. Cela vaut pour les quatre premiers morceaux de l’album, car c’était sans compter avec le retournement sensitif élaboré par le virtuose Jon Hopkins, pianiste de formation qui s’octroie le droit (c’est son album après tout) de déposer le tempo sur une civière et de nous laisser sur le bord de la route, avec ses plages ambient et ses bruitages electro acoustiques aux effluves quasi baléariques, sur lesquelles flottent des mélodies jouées par des pianos aux allures de mantras. Si certains reprochent à Jon Hopkins de finir de la sorte sur des titres dépouillés de leurs rythmes, rappelons leurs simplement, que s’ils avaient écouté Immunity sur un vinyl, la question ne serait certainement pas posée, offrant une face A dansante et une face B ambient. Un album brillant dans l’ère du temps, où les sensibilités corrosives côtoient dans un même élan, des vagues de douceur romantique. Très fortement recommandé.
Roland Torres
Sites : www.jonhopkins.co.uk