The Knife
Shaking The Habitual
(Mute / Rabid Records)
Le voilà l’album que l’on attendait depuis des lustres, que l’on espérait pouvoir poser un jour sur notre platine, pour se prendre une énorme claque à travers les oreilles. Oubliez The Knife d’hier, et célébrez comme il se doit, leur nouvel opus Shaking The Habitual, oeuvre d’anticipation pure et dure, qui laisse entrevoir de merveilleuses perspectives. Le duo suédois, composé de la fratrie, Karin Dreijer Andersson et Olof Dreijer, livre un opus exaltant, convoquant rythmiques tribales et sonorités electro acoustiques, à venir secouer nos neurones, sur fond de discours ouvertement engagé. 13 titres délibérément longs (pouvant s’étirer jusqu’à 19mn pour le très ambient Old Dreams Waiting To Be Realized), pour une 1h30 d’expérience chamanique. Car on est bien ici, dans un album de transe poétique moderniste punk, où les mots découpent les sens comme des lames de rasoir. Où le minimalisme de rigueur, tournoie à en faire perdre la tête. Oeuvre de tous les démons et de toutes les défiances, Shaking The Habitual bouscule le statut d’artiste starifié et d’icone adulée, enfermés dans leurs propres rôles de prêts à consommer. The Knife entend remettre les choses à leur place, un peu comme aurait pu le faire Radiohead avec la sortie de leur Kid A, avant de sombrer dans leurs propres travers. On n’est pas sans penser aux oeuvres allumées de Frank Zappa ou de Moondog, inlassables défricheurs, jusqu’à leur dernier souffle. Un album dense et sauvage, habillé d’os et de chair en lambeaux, de noirceur viscérale et de lumière mystique. The Knife souffle le froid sur un monde en déclin avec une lucidité époustouflante, poussant les mélodies par dessus des falaises de radicalité, digne héritier d’un Guy Debord et de sa Société du Spectacle, signant avec Shaking The Habitual un des albums de la décennie. Vital.
Roland Torres
Site : theknife.net
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